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comme dit le proverbe, avec tous les atouts dans mon jeu.

Cette belle médaille avait malheureusement son revers : d’une part, la difficile et dangereuse affaire que j’avais sur les bras ; d’autre part, l’endroit où je me trouvais. La grande ville noire, le nombre, le mouvement, le bruit des passants, tout m’apparaissait comme un monde nouveau après les marécages, les pentes abruptes et les calmes paysages qui m’étaient familiers. La foule des bourgeois surtout me déconcertait ; le fils de Rankeillor, qui m’avait passé ses habits, était petit et mince, ses vêtements joignaient à peine sur moi ; il était évident que je n’étais pas vêtu comme un rentier et je risquais d’attirer l’attention du public. Aussi, je résolus de me procurer sans retard des habits à ma taille et, en attendant, je me mis à marcher côte à côte avec mon porteur, lui glissant familièrement la main sous le bras comme si nous eussions été une paire d’amis.

J’allai d’abord me faire habiller chez un tailleur de Luckenbooths, sans luxe, car je ne voulais pas avoir l’air d’un mendiant enrichi[1], mais convenablement, afin d’être respecté. De là, je passai chez un armurier où je me munis d’une épée ordinaire et convenable à mon rang. Je me sentis aussitôt plus en sûreté avec cette arme, bien que, pour quelqu’un d’aussi ignorant que moi en matière d’escrime, ce fût plutôt un danger. Le porteur, qui était sans doute un homme de quelque expérience, jugea mon accoutrement réussi.

« Rien de voyant, me dit-il, mais un appareil simple et décent ; quant à la rapière, pas de doute qu’elle ne convienne à votre situation, mais si j’avais été à votre place, j’aurais fait un meilleur usage de mon argent. »

  1. A beggar on horseback : allusion à une ballade écossaise.