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de lui des regards anxieux, ou bien tressaillant et pâlissant tout à coup comme un homme saisi de crainte. Je ne me rendais pas compte du motif de ces frayeurs, mais j’en étais témoin, et c’était déjà intéressant. Le Bass, du reste, était un lieu de nature à inspirer la peur. Je ne trouve pas de mot anglais pour exprimer la sensation que l’on y éprouvait, mais Andie avait une expression écossaise qui ne variait jamais.

« Ah ! disait-il, c’est un endroit étrange, le Bass ! »

Ce mot m’est toujours resté dans la mémoire. C’était en effet un lieu « étrange », aussi bien la nuit que le jour, et c’étaient des bruits « étranges » que les appels des « fous » et les échos des coups de mer sur les rochers qui, continuellement, frappaient nos oreilles. Quand les vagues étaient fortes, elles éclataient sur les rocs comme le bruit du tonnerre ou le son du tambour, mais par les temps calmes surtout, il y avait du charme à écouter, j’en avais fait l’expérience : on entendait alors des plaintes et des voix mystérieuses qui se répercutaient dans les cavernes du rocher.

Cela m’amène à une histoire d’Andie et à une scène à laquelle je pris part, laquelle changea notre manière de vivre et contribua beaucoup à mon départ.

Un soir, devant le feu, au cours d’une vague rêverie, la chanson d’Alan me revint à l’esprit et je me mis à siffler l’air. Tout aussitôt, une main tomba sur moi et Neil me pria de me taire, disant que c’était une dangereuse musique.

« Dangereuse ? demandai-je, pourquoi donc ?

— Parce qu’elle a été faite par un revenant qui désirait rejoindre son corps.

— Eh bien, il n’y a pas de revenants, ici, Neil.

— Ah ! vous croyez cela ? fit Andie ; même, je puis vous dire qu’il y a eu ici plus à craindre que des revenants.