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pour cette mer qui me retenait prisonnier, une sorte de reconnaissance. Mes pensées et mes sentiments ne laissaient pas, cependant, de varier selon les moments et les différentes impressions qui m’affectaient : tantôt, me rappelant à quel point je m’étais engagé avec Rankeillor et Stewart, je réfléchissais que ma captivité sur le Bass, en vue des côtes de Fife et de Lothian, était à peine vraisemblable et que j’aurais plutôt l’air de l’avoir inventée que de l’avoir subie ; aux yeux de ces deux gentlemen, je pouvais évidemment passer pour un fanfaron et un poltron. Je me disais alors que, tant qu’il me resterait l’estime de Catriona Drummond, l’opinion du reste des hommes me serait indifférente et je me laissais emporter par mes doux rêves d’amoureux. Mais parfois, je voyais autrement les choses : ces faux jugements me paraissaient insupportables et je ne pouvais m’y résigner. Puis ces pensées en amenaient d’autres moins égoïstes et j’étais hanté par l’image de James dans sa prison et par les pleurs de sa femme. La colère alors me prenait et je ne pouvais me pardonner de rester dans l’inaction. Il me semblait bientôt que si j’étais vraiment un homme, je devais m’enfuir à la nage pour être fidèle au rendez-vous. C’était, mû par ces sentiments, et aussi pour endormir mes remords, que j’avais pris la peine de gagner l’amitié d’Andie Dale.

Un beau matin donc, nous étions seuls au haut du pic ; je m’aventurai à lui dire quelques mots de mes désirs lui laissant entrevoir une belle récompense.

Il me regarda, baissa la tête et se mit à rire aux éclats.

« Vous plaisantez, master Dale, dis-je, mais si vous vouliez jeter les yeux sur ce papier, vous ne ririez peut-être pas si fort. »

Les Highlanders heureusement ne m’avaient pris que mon argent, et le papier que je montrais maintenant à