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des religions et pour l’histoire de l’Écosse. Tout cela m’inspirait de vagues réflexions, je m’étonnais que tant de saints et de martyrs eussent pu vivre là, si récemment encore, sans laisser de traces d’aucune sorte, pas même quelques pages de leurs Bibles ou quelque nom gravé sur les murs ; au contraire, les soldats grossiers qui montaient la garde auprès d’eux avaient rempli le voisinage de leurs souvenirs : pipes brisées, boutons d’habits en métal et autres menus objets hors de service. Je croyais, par moments, entendre le son grave des psaumes dans le donjon des martyrs, et voir les soldats, arpentant les remparts la pipe à la bouche, tandis que le soleil se levait derrière eux sur la mer du Nord.

C’était sans doute les contes d’Andie qui me mettaient toutes ces idées en tête. Il connaissait très bien l’histoire du Bass, jusqu’aux noms des simples soldats, son père ayant fait partie de la garnison. Il avait, d’ailleurs, le don de conter, et savait merveilleusement faire parler et agir ses personnages. Ce talent et l’intérêt que je prenais à ses récits nous avaient rapprochés. J’éprouvais pour lui une certaine sympathie et je m’aperçus vite que j’étais payé de retour ; dès le principe, d’ailleurs, j’avais fait de mon mieux pour gagner ses bonnes grâces. Une conversation que je raconterai plus loin ne fit qu’accroître ses bonnes dispositions à mon égard, mais, du premier jour, nos rapports avaient été faciles, étant donné qu’il s’agissait d’un prisonnier et de son gardien.

Je ne serais pas sincère si je prétendais que mon séjour dans l’îlot de Bass me fut entièrement désagréable.

Cette solitude, en effet, me paraissait un refuge après tant de soucis et de dangers ; là, au moins, j’étais en sûreté, les rochers et la mer me défendaient contre de nouveaux pièges, ma vie et mon honneur étaient saufs et il y avait des heures où j’en venais à éprouver