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— Je n’ai jamais été intransigeant sur cette matière, je l’avoue, répondit-il, mais cette fois, je n’agis qu’avec de bonnes garanties.

— Qu’allez-vous faire de moi ?

— Je ne vous ferai aucun mal, pas le moindre mal. Vous devez avoir de puissants amis. Vous êtes riche, ce qui ne gâte rien. »

La mer devint sombre, des taches roses et rouges comme des charbons ardents parurent dans le ciel, en même temps, des « fous »[1] s’éveillèrent et commencèrent leur vacarme au sommet du Bass, l’îlot de rocher que tout le monde connaît, isolé dans la mer, mais assez grand pour qu’on eût pu y tailler une ville.

Le temps était calme, une étroite couronne de brisants entourait pourtant l’immense roche ; le jour commençait à poindre ; les « fous » semblaient collés aux parois du roc et la blancheur de leurs plumes tranchait sur les noirs bâtiments de la prison que baignait la mer.

La vérité alors se fit jour en moi.

« C’est là que vous m’emmenez ! m’écriai-je.

— Justement, mon ami, là où les vieux saints ont vécu avant vous et je doute fort qu’ils y aient été transportés d’une aussi douce manière.

— Mais personne n’habite l’îlot maintenant, tout est en ruine ! »

Le jour devenant de plus en plus clair, j’observai dans le fond du bateau, parmi les grosses pierres qui servent de lest, plusieurs caques ou barils, et une provision de combustible. Tout fut débarqué en même temps que nous, car Andie et les trois Highlanders allaient être mes gardiens. Le soleil n’était pas encore haut sur l’horizon quand le bateau s’éloigna et nous restâmes à écouter le bruit des avirons, répété par les échos du rocher.

  1. Oiseaux de mer qui abondent sur les rochers du Bass.