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qu’au bout des dunes qui, à cet endroit, dominaient d’assez près la mer. Là, Alan s’arrêta.

« David, nous voici arrivés à un moment décisif : tant que nous resterons couchés ici, nous n’avons rien à craindre, mais je ne suis pas plus près de mon bateau ni de la côte de France ; d’autre part, si nous nous redressons pour faire signe au brick nous risquons de voir du nouveau. Où pensez-vous que soient nos hommes ?

— Peut-être ne sont-ils pas encore arrivés, dis-je, et, même s’ils sont là, il y a quelque chose en notre faveur : ils croient que c’est par l’Est que nous viendrons, tandis que c’est le contraire.

— Ah oui ! si nous étions en force et si nous devions nous battre, nous les aurions bien trompés par cette manœuvre, mais il ne s’agit pas de bataille, David, et ce que nous avons en perspective ne me réjouit pas du tout.

— Le temps passe, Alan !

— Je le sais ; et « je ne sais rien d’autre », comme disent les Français, mais de quelque côté qu’on l’envisage, cela est une mauvaise affaire. Si seulement je pouvais deviner où ils sont !

— Alan, lui dis-je, je ne vous reconnais pas ; il faut agir maintenant ou jamais.

— « Ce n’est plus moi, chanta Alan avec un drôle de visage, partagé entre la honte et la plaisanterie.

« Ni vous ni moi, continua-t-il, ni vous ni moi.

« Jurez, Johnie mon ami, ni vous ni moi ! »

Puis tout à coup, se redressant, il agita son mouchoir et s’avança vers la grève. Je le suivis lentement tout en examinant les dunes vers l’Est ; d’abord, ses signaux ne furent pas remarqués, car Scongal ne l’attendait pas si tôt et nos ennemis guettaient de l’autre côté ; peu à peu, cependant, on s’agita à bord du Thistle, et tout semblait prêt, car en deux secondes, nous vîmes une chaloupe se détacher du vaisseau et filer vers la terre.