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l’obscurité et tomber sur Alan. Si je restais, je pouvais du moins mettre mon ami sur ses gardes et assurer ainsi son salut. J’avais compromis la sécurité d’autrui par égoïsme, la risquer de nouveau par le désir de faire pénitence n’était pas plus raisonnable. Je ne fus pas plutôt debout, que je me rassis, mais je me sentais fort maintenant ; je m’étonnais de ma précédente faiblesse et je me réjouissais de voir mon courage revenu.

Presque aussitôt, il se produisit un bruissement dans le fourré. Mettant ma bouche contre terre, je sifflai deux ou trois notes de l’air d’Alan ; la réponse tout aussi discrète ne se fit pas attendre et bientôt, nous nous heurtâmes dans l’obscurité.

« C’est bien vous, David ? murmura-t-il.

— C’est moi-même, répondis-je.

— Ah ! mon garçon, j’ai assez peiné pour vous revoir ! Comme le temps m’a paru long ! tout le jour caché dans une meule de foin où je ne pouvais distinguer mes dix doigts ! puis deux heures chaque nuit à vous attendre ici, et vous ne veniez pas ! Ce n’est pas trop tôt que vous soyez là, j’embarque demain pour la France. Que dis-je ? demain ! c’est aujourd’hui qu’il faudrait dire !

— Oui, Alan, c’est aujourd’hui, il est plus de minuit et vous avez une longue route à faire.

— Nous allons d’abord causer, dit-il.

— Assurément ; j’ai beaucoup à vous raconter. »

Je lui retraçai de mon mieux tout ce qui s’était passé. Ce fut un récit un peu confus, mais assez clair pour lui. Il m’écouta sans me questionner, riant de temps en temps comme un homme que ce qu’il entend réjouit. Son rire dans la nuit sans que nous puissions nous voir était extrêmement doux à mes oreilles et à mon cœur.

« David, vous êtes un beau caractère, dit-il, quand j’eus terminé, un rude lapin après tout, et je ne voudrais pas avoir affaire à vos pareils ! Quant à votre histoire,