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absolu de la campagne, et une fois couché sur le dos, j’eus tout le temps d’examiner ma conduite.

Deux choses me vinrent d’abord à l’esprit, en premier lieu, que je n’aurais pas dû me rendre à Dean ; puis, qu’y étant allé, je ne devrais pas en ce moment être couché en cet endroit. Ce lieu où Alan viendrait était justement celui que la raison aurait dû m’interdire : je le reconnaissais et, cependant, je ne bougeais pas. Je pensais à l’épreuve à laquelle j’avais soumis Catriona il y avait à peine une heure, et comme quoi j’avais un peu abusé du danger d’Alan pour la décider à retenir Neil au risque d’exposer son père à la colère de Simon. J’étais donc doublement coupable maintenant en demeurant à cette place, puisque je risquais de faire prendre mon ami. Jusque-là, le témoignage de ma conscience avait soutenu mon courage. Mais ce n’était plus le cas, et je me sentis livré aux plus folles terreurs. Tout à coup, je me levai en proie à une forte tentation : Si, de ce pas, j’allais trouver Prestongrange ? Je pourrais sans doute le rejoindre encore malgré l’heure avancée, je lui ferais une soumission complète. Qui donc pourrait m’en blâmer ? Ce ne serait pas Stewart l’avoué, je n’aurais qu’à lui dire que j’avais été suivi et, voyant l’impossibilité de me tirer d’affaire, que j’avais abandonné la partie. Ce ne serait pas Catriona ; pour elle, j’avais une réponse toute prête : Je n’avais pu supporter l’idée qu’elle eût fait courir un danger à son père à cause de moi. Je pouvais donc ainsi vaincre comme en me jouant toutes les difficultés qui m’avaient assailli ; je pouvais me délivrer de tout soupçon injurieux au sujet du meurtre d’Appin ; ne plus avoir rien à démêler avec tous ces Stewart, ces Campbell et tous les whigs et tories de la terre ! Vivre dès lors à ma guise, jouir en paix de ma fortune et employer quelques heures de ma jeunesse à courtiser Catriona : ce serait en tout cas une occupation