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mort, quand je serai une vieille femme, je raconterai à mes petits-enfants l’histoire de David Balfour et je pleurerai sur vous. Je raconterai comment nous nous sommes séparés ce soir, ce que je vous ai dit,… ce que je vous ai fait… Dieu soit avec vous et vous guide, monsieur Balfour, telle est la prière de votre petite amie. « Oui, voilà ce que je lui ai dit, leur raconterai-je, et voilà ce que je lui ai fait ». En même temps, elle me prit la main et la baisa.

Je fus tellement surpris, que je poussai un cri, comme si elle m’avait brûlé.

La rougeur envahit aussitôt son visage, elle me regarda et fit un signe de tête.

« Oui, monsieur David, dit-elle, voilà ce que je pense de vous, le cœur accompagne les lèvres. »

Je pus lire sur ses traits le courage chevaleresque qui sied aux enfants des braves, mais pas d’autre sentiment ; elle avait baisé ma main comme elle avait baisé celle du prince Charles, avec plus de passion peut-être.

Mais rien auparavant ne m’avait fait sentir à quel point j’étais amoureux, ni combien il me serait difficile de le lui faire comprendre ! Je pouvais me dire pourtant que j’avais avancé mes affaires : son cœur avait battu un instant à l’unisson du mien.

Après l’honneur qu’elle venait de me faire, je ne pouvais plus me contenter de quelques mots de banale politesse, mais j’avais peine à parler, ma voix tremblait et les larmes étaient près de jaillir.

« Je remercie Dieu de votre bonté, ma chérie, lui dis-je à voix basse. Adieu ma petite amie », ajoutai-je, lui donnant le nom qu’elle-même s’était donnée. Puis je saluai et je la laissai.

Le chemin que je devais suivre descendait la vallée de Leith River vers Scotbridge et Silvermills : un sentier conduisait au bas de la colline, le ruisseau chantait