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épée, ni m’en servir ; alors, mon rêve est tout à refaire : la bataille est finie et j’ai gagné tout de même, comme vous avec le lieutenant, et je redeviens un beau parleur, toujours comme monsieur David Balfour !

— Vous êtes une jeune fille sanguinaire, dis-je en riant.

— Non ; je sais qu’il faut filer, coudre et broder, mais s’il n’y avait que cela à faire dans le monde, vous conviendrez, je pense, que ce serait peu récréatif ? Ce n’est pas que j’aie envie de tuer, je suppose ! Avez-vous jamais tué quelqu’un, monsieur David ?

— Oui, j’ai tué par force ; deux fois, pas moins ; et je ne suis qu’un enfant, et je devrais être encore sur les bancs de l’école. Pourtant, je n’ai pas eu de remords d’avoir versé le sang.

— Mais qu’avez-vous éprouvé… après ?

— Je me suis assis et j’ai pleuré.

— Cela ne m’étonne pas, s’écria-t-elle, je sais d’où venaient vos larmes. Certes, je ne voudrais pas tuer, mais je voudrais être Catherine Douglas qui passa elle-même son bras dans les tenons du verrou qui devait le briser. N’aimeriez-vous pas à mourir ainsi pour votre roi, monsieur David ?

— Je vous avouerai franchement que mon affection pour mon roi ne va pas jusque-là, et j’ai vu la mort d’assez près déjà pour apprécier un peu la vie.

— Voilà bien le caractère des hommes ! Seulement, il faut apprendre l’escrime, je n’aimerais pas avoir un ami qui ne saurait pas se battre. Ce n’était donc pas avec une épée que vous avez tué ces deux hommes ?

— Non, en vérité, mais avec une paire de pistolets et encore parce que j’étais tout près d’eux, car je ne suis pas plus fort au pistolet qu’à l’épée. »

Elle me fit alors raconter notre bataille sur le brick que j’avais omise dans mon premier récit.