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moments, je me demandais pourtant si toutes les deux ne seraient pas d’accord pour mettre le grappin sur moi. Je restai sombre et grincheux entre elles.

Enfin, mistress Ogilvy eut la bonne idée de nous laisser seuls ; mes soupçons étaient éveillés et j’avoue qu’il est difficile parfois de les calmer, mais je ne pus jamais regarder Catriona en face sans être certain de sa sincérité.

« Je ne dois pas vous interroger ? demanda-t-elle vivement, dès que sa cousine fut sortie.

— Oh si ! aujourd’hui, je peux parler sans scrupules, je suis délié de ma promesse et après ce qui s’est passé ce matin, je me serais bien gardé de la renouveler.

— Dites vite alors, ma cousine ne sera pas longtemps absente. »

Je lui contai l’histoire du lieutenant depuis le premier mot jusqu’au dernier, la rendant aussi drôle que possible et, vraiment, il y avait matière à plaisanter dans cette sotte aventure.

« Je vois, dit-elle, que vous n’avez pas plus de succès avec les hommes qu’avec les belles dames ! Mais à quoi pensait votre père de ne pas vous avoir appris à manier l’épée ? Je n’ai jamais rien vu de pareil, c’est on ne peut plus roturier !

— C’est on ne peut plus gênant pour moi, en tout cas, et je regrette que mon père, le brave homme ! ait eu l’idée de m’apprendre le latin au lieu de l’escrime. Mais, vous voyez, je fais ce que je peux, je ne bouge pas plus que la femme de Loth et je laisse tirer sur moi.

— Savez-vous ce qui me fait sourire ? dit-elle. Eh bien, voici : telle que je suis faite, je crois que j’aurais dû être un garçon. Dans le secret de mes pensées, c’est toujours ce que je suis. Quand je rêve, je me vois sur le champ de bataille et là, forcément, je m’aperçois que je ne suis qu’une fille et que je ne sais pas tenir une