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XLIV.

L’ÂNE SAUVAGE ET L’ÂNE DOMESTIQUE.


 Une fois un âne sauvage
 Passant le long d’un pré fleuri
 Vit un autre âne gras, poli,
 Se prélassant dans ce pacage :
« Ciel ! que cet ami là me semble bien nourri !
Que je voudrais ainsi pouvoir couler ma vie !…
 « Pourrait-on être plus heureux !…
 « Jamais, j’en suis sûr, mon confrère
 « Ne couche tout nu sur la terre ;
 « Chaque soir son maître soigneux
« Vient donner à monsieur une molle litière
« Sur laquelle il s’étend et dort autant qu’il peut ;
« Et puis lorsqu’au matin il ouvre sa paupière
« Il a de l’herbe fraîche et mange, s’il le veut,
« Jusqu’à ce que Phébé nous montre sa lumière.
 « Quand je compare notre sort
 « Que je trouve de différence !…
 « Lui, doit bénir la Providence
« Et moi, dans mon malheur, je souhaite la mort !!… »
 Le pauvre âne faisait encor
 Ces réflexions accablantes,
Quand un rustre tenant un lourd bâton ferré
Vint troubler l’animal qui paissait en son pré,
Et l’ayant surchargé de deux caisses pesantes,
 Tous deux s’en vont au village voisin,