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XLII.

LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS.


Le rat de ville un jour alla voir dans les champs
Un sien ami qui vivait solitaire
Loin du bruit des cités. — « Salut ! mon vieux confrère,
« Tout en s’essuyant la paupière
« Lui dit le campagnard. Il y a bien longtemps
« Qu’on ne s’est pas revu. Que de fois en silence
« Ne vous ai-je accusé, peut-être bien à tort,
« De votre cruelle inconstance !…
« Attendra-t-il que je sois mort,
« Ce bon, ce cher ami d’enfance,
 — « Me disais-je en plaignant mon sort, —
« Pour visiter un frère, un ami véritable ?…
« Mais enfin vous voilà !… je suis heureux,… parlons
« Du passé, du présent… et mettons-nous à table… »
— « Cette hospitalité, mon cher, nous l’acceptons,
D’un ton haut et d’un air superbe
Lui répondit le citadin
Jetant en même temps un regard de dédain
Sur le trou du rustique où croissait en paix l’herbe.
Voilà le campagnard qui, pour fêter ce jour,
Fait l’empressé, va, vient, et trotte, et saute, et court,
Portant en un mot sur la nappe,
Morceau par morceau, brin par brin,
Tout son garde-manger ; du vieux lard, du raisin
Et des noix pour dessert, en épiant sous cape