XXIII.
LE MOUTON, LE CERF ET LE LOUP.
Un cerf, hâbleur fini, sans le sou se trouvant,
Alla voir un mouton qu’il connaissait bonhomme
Pour lui soutirer quelque argent :
« Monsieur du loup, dit-il, est garant de la somme,
« Je l’ai vu ce matin ; pour tout prêteur mouton
« C’est bien argent comptant que telle caution…
« Ainsi donc, bon ami, prêtez-moi, je vous prie,
« Vous me tirerez d’embarras
« Et je vous bénirai le restant de ma vie… »
— « À d’autres, cher monsieur, je ne vous prête pas
« Un simple monaco, lui répondit de suite
« Le bonhomme mouton qui se doutait du coup.
« Je le connais fort bien votre monsieur du Loup.
« Je sais ce que vaut son mérite.
« Il emprunte souvent et ne rend jamais rien ;
« En un mot c’est un franc vaurien.
« Quant à vous, bon ami, fussiez-vous sans ressource,
« Prêt à tomber faute de pain ;
« Avant de délier les cordons de ma bourse
« Je vous verrai plutôt cent fois mourir de faim,
« Car vous êtes trop bien renommé pour la course.
« Telle est, monsieur le cerf, mon humble opinion,
« Allez chercher ailleurs et que Dieu vous bénisse ! !…
Avant que la fraude finisse,
Il faudra bien encor plus d’un pareil mouton.