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XXII.

NAUFRAGE DE SIMONIDE.


Sans doute c’est beaucoup que d’avoir des richesses,
Mais ce n’est pas assez. Il faut, je pense, encor
Pouvoir joindre l’esprit même à des monceaux d’or.
Bien fol est qui se fie aux perfides promesses
De l’aveugle et changeant Plutus !
N’a-t-on pas vu souvent — vérité singulière —
Un homme s’endormir Crésus,
Et se réveiller Bélisaire ?…
Par mon récit, je vais montrer
Que la Fortune est inconstante,
Et que l’homme d’esprit toujours peut la braver.
En voici la preuve éclatante :

Simonide en chantant la gloire des lutteurs,
Parcourut tour à tour les villes de l’Asie.
Enfin lorsque l’or des vainqueurs
L’eut rendu deux fois riche, il lui prit fantaisie
De retourner dans son pays.
Il était, (nous dit-on) né dans l’île de Cée,
Et dût, par conséquent, faire la traversée
Par mer. Il s’embarqua. Mais les vents ennemis,
Sur un roc jettent le navire.
Il y reste cloué. Les flots vont le détruire…
Chacun se croit perdu… chacun pousse des cris…
C’est à qui saisira son précieux bagage…