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La tortue. Il la voit rampant derrière lui
Suant, soufflant et traînant à grand peine
Son corps même plus lourd que sa lourde maison :
« Arrêtons-nous. Pourquoi courir à perdre haleine
« Se dit-il ?… après tout je pourrais d’un seul bond
« Dépasser maintenant cette sotte tortue.
« Laissons-la gagner du terrain,
« Tantôt quand près du but elle sera vaincue,
« La folle, j’en suis sûr, en mourra de chagrin… »
Le lièvre, en attendant, broute l’herbe fleurie,
Le serpolet, le romarin,
Encor brillants des pleurs qu’y versa ce matin
L’aurore aux doigts de rose. Il en fait chère lie,
Se couche, ferme un œil et dort.
Cependant la sage tortue
Touche la place convenue ;
Notre lièvre dormait encor !


D’un sot présomptueux voilà le caractère.
Pourquoi donc, s’il vous plaît, s’occuper à dormir
Quand on a dans les mains une toute autre affaire ?
Le talent n’est point nécessaire
Si l’on ne sait pas s’en servir.