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XII.

LES POISSONS ET LE HÉRON.


Un héron chargé d’ans et dont les yeux débiles
 Pouvaient à peine au fond de l’eau
Distinguer du poisson les bataillons agiles,
Les prit par un moyen aussi fin que nouveau.
Il alla se poster au bord d’une rivière
Et fit le pied de grue en regardant l’eau claire
 Jusqu’à ce qu’un poisson
Vint se montrer, enfin il vit un carpillon
Jouant à la surface : « Eh ! mon jeune compère, »
 Lui cria-t-il d’une voix familière,
« Approchez-vous de moi ; voyons, n’ayez pas peur.
« J’accours vous informer d’une affreuse nouvelle :
« Tenez,… j’en tremble encore… on m’a dit qu’un pêcheur
« Aidé de ses enfans, viendra dans sa nacelle
 « Avant huit jours vous prendre tous… »
 Le carpillon, plein d’épouvante,
De courir raconter la nouvelle accablante.
Voilà tous les poissons consternés, quasi fous !…
On s’assemble, on discute, on parle… mais que faire ?…
Mille avis aussitôt sont donnés, puis bannis.
Enfin on décida que la gent poissonnière
Remercîrait ce brave et bon donneur d’avis,
Et que le carpillon irait à l’instant même
Demander humblement s’il ne connaissait pas
 Quelque adroit stratagème