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Que ces cris
Étaient siens, et non pas d’un animal immonde
Qu’il aurait pu fort bien cacher sous ses habits,
Il ôte son manteau, découvre sa tunique…
Le peuple éclate alors en applaudissements,
Il le loue, il l’admire, il le proclame unique !…
Lorsque soudain un rustre, ayant quitté les rangs,
Va se planter tout droit au milieu du théâtre :
« Peuple Romain ! dit-il, je ne suis rien qu’un pâtre,
« Mais je vous jure par les Dieux !
« Que demain soir je saurai crier mieux… »
Le lendemain on vit même affluence
Au cirque se presser. L’histrion tout d’abord,
Au sein du plus profond silence,
Comme la veille à grogner recommence,
Et chacun d’applaudir plus fortement encor.
C’est un assourdissant et roulant tintamarre.
Notre rustre, à son tour, à crier se prépare,
Et pour montrer aussi qu’il n’est pas imposteur,
Il entr’ouvre sa toge, il montre sa poitrine
Et répète, un à un, les faits du bateleur.
Cet homme cependant, plus fin qu’on n’imagine,
Adroitement tenait caché sous son manteau
Un pourceau
Qu’il avait emprunté d’une ferme voisine.
Il lui pince l’oreille avec force, et le mal
Qui même fait crier notre nature humaine
À plus forte raison fit grogner l’animal :
« À la porte, le rustre !… Eh ! vite qu’on le mène
« Au Tibre et qu’on l’y jette !… Oh, l’infâme manant !… »