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LES DEUX VOISINS.

dans son verger, — Jean-Baptiste avait pour règle de conduite de ne rester jamais inoccupé, même en causant, — l’entretien vint à tomber sur l’économie, et Pierre lui avouait, en toute franchise, qu’il ne comprenait pas comment avec des moyens aussi limités et une famille toute aussi nombreuse que la sienne, il pouvait parvenir à mettre deux cents piastres de côté chaque année.

— Rien de plus aisé à comprendre, voisin, il ne s’agit pour cela que de régler son train de vie sur sa condition et savoir faire des dépenses utiles et à propos.

Dans les commencements de mon ménage, je dépensais plus qu’aujourd’hui. Il m’arrivait assez souvent de faire quelque partie de plaisir avec des amis ; de son côté, ma femme recevait quelquefois des invitations que nous étions obligés de rendre. Il nous fallait alors tout bousculer et faire un remue-ménage complet pour avoir le plaisir d’héberger, pendant une soirée, des étrangers le plus souvent railleurs, qui, en définitive, nous imposaient, par leur présence, des privations pendant un long mois pour rétablir l’équilibre dans les recettes et les dépenses.

Ma femme et moi nous nous aperçûmes bientôt que nous faisions fausse-route, et la naissance de notre premier enfant coupa court aux soirées. Depuis lors nous restons chez nous, et à mesure que le cercle de la famille s’est agrandi, nous sommes demeurés convaincus que la compagnie la plus agréable pour des parents est celle de bons enfants. Nous y trouvons notre joie et eux la leur, sans compter que c’est bien plus économique, car pour rester chez soi, il n’est pas rigoureusement nécessaire d’acheter tous les mois des robes neuves, de la dentelle, des gants, qui sais-je enfin ! toutes choses qui coûtent fort cher et ne rapportent rien, absolument rien, sinon le compte du