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LES DEUX VOISINS.

cheminées. On ne saurait se figurer de jardin mieux entretenu, plus champêtre et plus agréable que celui qui s’étendait devant la maison et la protégeait ainsi tout à la fois contre les ardeurs du soleil, le tapage et la poussière de la grande route.

À voir cette demeure rustique, l’ordre et l’admirable propreté qui régnaient à l’intérieur, et la culture savante des quelques arpents de terre qui étalaient, par derrière, les riches et splendides couleurs de leurs produits variés, on sentait tout de suite que les habitants de céans étaient d’heureuses gens, de ces gens privilégiés aimant le travail et la vie de famille où l’on respire une atmosphère si calme et si pure, et qui développe si largement tout ce que Dieu a mis de bon, de noble, et de vraiment grand dans le cœur humain.

C’était en effet une nature d’élite que celle du voisin Jean-Baptiste, ou plutôt c’était une famille d’élite la famille Jean-Baptiste. Quoiqu’il eut un revenu assez modique, ne dépassant guère deux cents louis, il trouvait encore moyen de mettre de côté, bon an mal an, la somme assez rondelette de deux cents piastres. Il est vrai de dire qu’il se trouvait admirablement secondé par Madame Jean-Baptiste, femme d’ordre et de ménage s’il en fût, qui s’entendait parfaitement à pratiquer les principes d’économie prêchés par monsieur son mari.

Suivant le voisin Jean-Baptiste, qui, assez semblable à Sancha Pança, aimait beaucoup le langage sentencieux :

Il faut toujours aimer ce que l’on a.
Contentement passe richesse.

C’est ce qu’il avait coutume de répéter toutes les fois qu’il se prenait à contempler sa table frugale et son modeste intérieur.

Voyait-il passer ses voisines en full dress, on l’entendait s’écrier :

Tout ce qui brille n’est pas or.