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LES TROIS DIABLES.

— Je veux l’âme de ma femme, répondit Richard.

— L’âme de ta femme ?… Tu ne l’auras pas ; elle est morte ivrognesse ; toute sa vie elle nous a appartenu et elle nous appartiendra de toute éternité. Il n’y a pas plus de pardon au Ciel qu’en Enfer pour les ivrognes. Nous allons te donner en échange cent âmes. Ouvre ton sac : tiens, voici les âmes d’une douzaine de marchands qui ont vendu à faux poids.

— Merci, fit Richard en secouant son sac pour faire descendre jusqu’au fond ces douze âmes.

— Voici maintenant les âmes de deux douzaines d’avocats et de médecins qui ont tué leurs malades et mangé les veuves et les orphelins par dessus le marché. Voici une brassée d’âmes qui ont appartenu à des usuriers et à des gens morts sans payer leurs dettes, combien y en a-t-il ?

— Trente, dit Richard. Ça m’en fait soixante-et-cinq. Donnez-en encore.

Attrape celles-ci, firent les diables en jetant dans le sac une autre douzaine. Ce sont les âmes de douze aubergistes licenciés. Combien t’en manque-t-il pour un cent ?

— Vingt-trois, reprit Richard.

— Eh bien ! voici ton compte, grommelèrent les diables en amenant une nouvelle fournée. Ce sont les âmes de vingt-trois charretiers qui avaient toujours leurs poches pleines de « sacres, » va-t-en !… et ne reviens plus.

— Maintenant il me faut l’âme de ma femme, insista Richard.

— On te l’a dit, tu ne l’auras pas.

— Ah ! vous ne voulez pas me la donner ?… Eh bien ! vous allez la danser, comme de vrais diables que vous êtes… Et Richard fit mine de prendre son violon.