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JOSÉ LE BROCANTEUR.

C’est bien le moins pour un tel volatile,
Et je vous garantis, que celui qui mordra
Dans ce rôti quand on le servira
Ne fera pas la fine bouche.

— Oui, répliquait José, la pesant à son tour,
Votre oie a bien son prix, c’est clair comme le jour,
Cela se sent quand on la touche ;
Mais mon goret, à moi vaut au moins tout autant.

— Sans doute, mon ami, mais votre affaire est louche
Tenez, à parler franchement,
On a volé tantôt dans l’étable du Maire
Un goret qui ressemble au vôtre exactement.
Si c’était celui-ci qu’on cherche maintenant »
Aussi vrai que tous deux le soleil nous éclaire
Votre procès serait tôt fait.

José crut, à ces mots, entrevoir le gibet.
Je ne vois qu’une chose à faire
Dit-il, donnez-moi l’oie et prenez le goret.

— Soit, fit l’autre en riant, merci, cher petit frère.

Voila donc José le benet
Marchant avec son oie, au bord de la rivière.
La nuit tombait. Au bout de l’horizon
On voyait, ainsi qu’un tison,
Se lever lentement la lune ;
Et les étoiles, une à une,
S’allumaient dans le ciel profond.
Sur le grand fleuve erraient des voiles,
Et les chants des gais matelots
Glissant sur la face des flots
Où se balançaient les étoiles
Faisaient résonner les échos.
José s’assit alors sur le bord de la grève,
Et comme il avait faim, il se prit à songer ;
Mais l’oie, en s’éloignant, coupa court à son rêve
Car l’oiseau libre et fier commençait à nager.