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PIERRE CARDON.

Il revit sa mère, sa mère qui l’avait tant aimé et qu’il aimait tant, et il lui sembla qu’elle pleurait.

Il crut sentir l’haleine de son enfant, de son cher enfant dont il embrassait, avec tant de joie, le petit cou parfumé, et dont il caressait les cheveux blonds et bouclés.

Marie, sa pauvre Marie, qu’il avait laissé mourir toute seule, jetait sur lui des regards profondément tristes.

Pièce à pièce, il reconstruisait ainsi tout l’échafaudage de son bonheur évanoui. Puis ses oreilles commencèrent à tinter. Il s’imagina entendre sonner les cloches. Ce furent là ses glas funèbres. La neige avait achevé de le couvrir.

Le printemps suivant, quand les pluies eurent fait disparaître la neige, on retrouva son cadavre.

Personne de l’endroit ne put le reconnaître.

Après une enquête tenue par le Coroner le corps des jurés rendit le verdict suivant :

Que le cadavre d’un inconnu, paraissant âgé de trente ans, et porteur d’un costume dont suivait le signalement, avait été découvert sur le grand chemin, le… qu’aucune blessure ne pouvait laisser supposer l’existence d’un crime ; que de plus on n’avait trouvé sur sa personne aucun papier ou marque qui pût servir à le faire identifier, et que c’était l’opinion du dit jury que le susdit inconnu était mort accidentellement, et par la volonté de Dieu.

Jamais verdict ne fut plus vrai : c’était bien là le doigt de Dieu !