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PIERRE CARDON.

champ, que M. Malandrin réussit bientôt à faire dégénérer en querelle, et M. Cardon envoya paître son beau-père.

Le soir même les deux inséparables partirent pour la ville. Leur absence dura huit jours. Quand Pierre revint, son unique enfant avait été enterré la veille. C’était le père Martin qui l’avait porté à l’église, en pleurant tout le long du chemin comme un enfant. Quoique la nuit fut avancée, M. Cardon remarqua de la lumière dans la chambre de sa femme.

Marie veillait et priait en sanglottant.

Elle entendit ouvrir avec bruit la porte donnant sur le grand chemin et prêta l’oreille ; puis un pas lourd retentit dans l’escalier.

Arrivé sur le palier, celui qui venait de monter sembla s’arrêter un instant comme s’il eut hésité à entrer.

Enfin la porte s’ouvrit, et M. Cardon, les cheveux en désordre, entra en chancelant, l’air hébété et stupide.

À cette vue, Marie déjà si affreusement éprouvée dans son amour de mère, et maintenant dans sa dignité de femme, se leva comme poussée par un ressort, et se dirigeant vers le berceau vide de son enfant :

Tiens, Pierre, lui dit-elle, l’œil en pleurs et d’une voix convulsive, en désignant le berceau d’une main tremblante, regarde, tu n’as plus d’enfant ; … bientôt aussi, je le sens bien, tu n’auras plus de femme ; prends garde que le bon Dieu ne te punisse !

Le lendemain, de grand matin, Ephrem avait rejoint Pierre. Ce dernier paraissait abattu, et ses yeux