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CE QU’ON PEUT FAIRE LE JOUR MÊME.

avocat, il en découvrit un, entra et s’assit, attendant son tour, après avoir eu soin de déposer son chapeau à terre et de ramener ses jambes sous lui de manière à occuper le moins d’espace possible dans le bureau qui lui faisait l’effet d’un sanctuaire.

— Eh bien ! le père, qu’y a-t-il à votre service ? lui dit l’avocat après avoir congédié les autres visiteurs.

— Je voudrais une consulte, Monsieur.

— Fort bien ; contez-moi votre affaire…

— Quelle affaire, Monsieur ?… je n’en ai pas d’affaire, moi ; je ne vous demande qu’une « consulte, » et une bonne, comme celle de Baptiste par exemple.

— Mais êtes-vous en procès ?

— Non.

— Voulez-vous en faire un à vos voisins ?

— Sainte croix bénite ! que le bon Dieu m’en préserve.

— Mais enfin vous devez toujours avoir un motif quelconque pour demander une « consulte ? »

— Non Monsieur, fit mon père en se levant tout à coup, voici ce que c’est : et il se mit à raconter tout ce qu’il avait entendu à St Lazare. Baptiste a gagné dix arpents de terre avec une « consulte ; » le gros Pierre a gagné cinquante piastres avec une « consulte. » Les « consultes » des avocats sont bonnes comme vous voyez ; donnez m’en donc une pour l’amour du ciel, ça fait que je courrai ma chance comme eux autres.

— C’est bien, le père, rasseyez-vous, lui dit l’avocat en faisant semblant d’ouvrir quelques-uns des gros livres de sa bibliothèque.

Mon père le suivait des yeux. Bientôt il le vit écrire quelques mots, et au bout d’un instant il lui remit, d’un air solennel, le bout de papier que vous venez de lire, et que mon défunt père reçut avec les marques du plus profond respect.