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PIERRE CARDON.

blables que, pendant plusieurs lieues et à mesure que les villages disparaissent derrière lui, l’étranger ravi croit toujours revoir le même village, et la flèche argentée de la même église, qui se mire en tremblant dans le fleuve avec les maisons blanches et rouges qui l’entourent et se balancent dans l’onde autour d’elle ?

Et puis quel spectacle varié et enchanteur que celui de ces campagnes si bien cultivées et d’aspects si divers, avec leurs clôtures aux zigzags fantastiques qui partagent et colorent les cases de ce gigantesque échiquier de la nature ? Ici des pièces de terre, que la charrue vient de déchirer, étendent leur couleur brune et fument gaiement au soleil, en attendant qu’elles se couvrent de moissons dorées ; là des champs d’avoine et de blé naissants, revêtent un vert foncé : près de vous, des prairies d’un vert plus tendre, viennent mêler leur herbe joyeuse aux cailloux poudreux de la grand’route, tandis qu’au loin, aussi loin que vous pouvez étendre la vue, la chaîne ondulée des montagnes qui borde l’horizon, confond dans une même teinte, le ciel bleu et la cime sombre de nos forêts vierges.

Tenez, chers lecteurs, avouez-le franchement, à la vue de cette nature si belle et si tranquille, il ne serait pas impossible que votre enthousiasme débordât et que vous vous prissiez tout-à-coup d’une belle et folle envie pour la campagne et la vie champêtre ?

Ce ne serait pas un mal, et je vous le souhaite ; mais ne perdez pas de vue que nous sommes assis sur le pont d’un steamer qui glisse au milieu du plus beau fleuve du monde, et que, par conséquent, nous assistons plutôt à une représentation de la campagne, avec cette seule différence que c’est Dieu qui montre la pièce, et que les acteurs sont cachés derrière les décors ou par les accidents du chemin.

Cependant, une fois sur les lieux, peut-être trouve-