Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/165

Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
LE PÈRE MATHURIN

Quand les deux gendres rentrèrent, la même scène recommença, et ceux-ci lui dirent, qu’il était un méchant marabout.

Le vieillard, le désespoir dans le cœur, siffla son chien, et passa la porte sans dire mot.

Il alla tout droit chez son vieil ami le père Sanschagrin, et lui raconta de point en point ses infortunes domestiques. Quand il eut fini de dévider son chapelet que le père Sanschagrin écoutait attentivement, tout en se promenant de long en large à l’ombre de quelques ormes qui ombrageaient ses bâtiments, le bon homme Mathurin attendit patiemment que son ami lui donnât quelque conseil ou du moins ouvrît la bouche pour le consoler. Mais ce dernier ne semblait guères disposé à parler de si-tôt, évidemment il mûrissait quelque plan.

— Tenez, dit enfin le père Sanschagrin en s’arrêtant tout court et en mettant la main sur l’épaule de Mathurin, voulez-vous que je vous dise une chose, les trois quarts des enfants, quand la religion ne les tient pas bien en bride, ne valent pas mieux que les bêtes. Vous voyez bien cet orme-là, le plus gros, celui du milieu, eh ! bien, l’été dernier, j’y avais déniché des merles, et je mis les petits qui commençaient à avoir leurs plumes, dans une cage d’osier que j’attachai à la barrière de mon clos. Savez-vous ce qui arriva ? Le père et la mère vinrent exactement tous les jours leur apporter la becquée comme s’ils eussent encore été au nid. Au bout de deux ou trois semaines, les petits étant assez grands pour voler tout seuls, je me dis : voyons, je mettrai ces petits en liberté, mais il faut que j’attrape les parents pour les encager à leur tour,