Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

de pilules d’Holloway, excellentes pour le rhume, les affections de cœur et des pieds ; le Kathairon de Lyons, capable de faire pousser une chevelure abondante sur la tête d’un rocher, et ce fameux onguent mexicain qui possède la rare vertu de guérir les chevaux et les enfants en bas âge.

Pierre avait, pour toutes fonctions, à se tenir dans l’anti-chambre meublée avec autant de luxe que l’office de son patron, afin d’inscrire les noms et résidences des visiteurs et de leur tenir compagnie en attendant qu’il les introduisit dans le sanctum, si son maître était occupé.

Il va sans dire qu’il entrait aussi dans ses attributions de faire les commissions. Grâce à ses réclames pompeuses, à ses innombrables affiches et surtout au luxe de son établissement, il pleuvait des malades chez M. le docteur Killmany, et, chose étrange et incompréhensible, dans les premiers temps, pour notre ami Pierre, il les voyait traités tous de la même manière.

Un jour, il avait introduit un petit vieillard d’un embonpoint exorbitant, qui s’était nommé en entrant, Monsieur Greenhorn. Dès que le petit homme se fut enfoncé dans un des fauteuils, le docteur prenant son air le plus grave, lui demanda de quoi il se plaignait en lui tâtant le pouls.

— D’une hydropisie, cher docteur, qui me fait souffrir depuis plusieurs mois.

— Le cas est grave ! bien grave !

— Hélas ! oui, bon monsieur, j’ai été abandonné des autres docteurs.

— Ils ne vous auraient plus laissé quinze jours en vie, continua maître Killmany, en accentuant chaque syllabe.

— Hoh ! aie ! aie ! que dites-vous-là, cher docteur ! pouvez-vous faire encore quelque chose pour moi ?