Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

beaucoup, ou rien du tout, pour avoir quitté les mines si tôt ! Allons, entrez me conter ça, et montrez-moi votre magot. Avec moi il n’y a pas danger d’être pillé, vous le savez bien.

Pierre avait achevé de raconter les résultats de sa campagne et paraissait profondément abattu. Allons, allons, du courage, mon cher ami, lui dit le père Durand, en le frappant familièrement sur l’épaule, je vous le disais bien, les trois quarts des Yankees ne valent pas les quatre fers d’un chien, et vous êtes trop honnête garçon pour vivre parmi eux. Si j’avais un conseil à vous donner, je vous engagerais à profiter d’une excellente occasion que j’ai de vous placer cette semaine. Le capitaine d’un vaisseau, en partance pour la Nouvelle-Orléans, m’a chargé de recruter son équipage, et si vous voulez utiliser vos talents culinaires, je puis vous embarquer comme maître-d’hôtel et vous gagnerez vingt piastres par mois. Mettons que la traversée dure trois mois, cela vous fera soixante piastres, avec lesquelles vous pouvez attendre quelque bonne place, ou bien continuer votre route en Canada. Je vous conseillerais cependant de courir votre chance à la Nouvelle-Orléans. Vous êtes bien instruit, et vous avez bonne mine. Qui sait si vous ne trouveriez pas là-bas dans le commerce, ce que vous avez vainement cherché par ici ?

Il va sans dire que Pierre accepta l’offre de l’excellent père Durand, et, le soir même, il prenait la haute direction des batteries de cuisine du Flying fish, trois-mâts américain, ayant sous ses ordres un nègre du plus beau noir, et un représentant du Céleste-Empire du plus beau jaune-cuivre.