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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR

pour les mines, et avait omis soigneusement tout ce qui aurait pu laisser percer les moindres craintes pour l’avenir. Pourquoi, se disait-il, en tâchant d’excuser cet innocent mensonge, affliger mes bons parents, et les rendre malheureux par des pressentiments sinistres ? Si le bon Dieu permet que je réussisse, les espérances que je laisse entrevoir d’avance se seront réalisées ; mais si j’allais leur raconter ma pénible position, les bonnes nouvelles que j’aurais à leur envoyer plus tard, arriveraient beaucoup trop lentement pour sécher les pleurs qu’auraient fait couler leurs inquiétudes sur mon sort.

Après un séjour de trois mois chez le père Durand, Pierre partit pour les mines. Une fois sur les lieux, notre ami qui n’avait aucune expérience du métier, crut faire une excellente spéculation en se mettant à piocher aux risques et périls de deux Américains qui l’engagèrent pour toute la saison à raison de quatre piastres par journée de travail.

Voyez-vous, d’ici, chers lecteurs, notre pauvre Pierre, grattant, creusant, minant, suant à grosses gouttes, tantôt dans l’eau, tantôt dans la boue jusqu’aux genoux, avec un soleil de feu au-dessus de la tête, et pour compagnons quelques misérables nègres et quelques irlandais suant et gémissant comme lui, tandis que nos deux Yankees, nonchalamment étendus sur des peaux de buffle et fumant comme des tuyaux de cheminée à l’ombre de leur tente, surveillaient ces forçats en gourmandant leur paresse ?

Au bout de huit semaines, Pierre, qui en avait assez de ce chien de travail, et surtout fatigué des mauvais