Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

à l’esprit, et il se mit à supplier, de plus belle, ses gardiens de vouloir bien l’accompagner jusqu’au quai ; mais ceux-ci qui ne comprenaient guère plus ses gestes que ses paroles, se contentèrent de lui prendre brutalement le bras, chacun de son côté, et le traînèrent jusqu’au poste, en compagnie du gentleman à la redingote bleue et au sombrero démesuré.

Après l’interrogatoire et les formalités d’usage, Pierre fut confié aux bons soins d’un monsieur en manches de chemise, portant suspendu au bras droit un énorme trousseau de clefs. Ce dernier s’empressa de faire passer son protégé par un corridor sombre et nu, le long duquel, d’espace en espace et de chaque côté d’une muraille épaisse, l’on voyait une porte rentrante, garnie d’un judas et d’énormes verroux. Arrivé à l’extrémité du couloir, le porte-clefs s’arrêta, fit passer Pierre devant lui, ouvrit la dernière porte de droite, et, le poussant par les deux épaules dans l’intérieur, lui referma bruyamment la porte au nez.

Resté seul entre les quatre murailles de ce cachot, Pierre promena un regard douloureux autour de lui et embrassa, d’un coup-œil, tout l’ensemble jusqu’aux moindres détails de cet étrange logement auquel il était loin de s’attendre ce matin, alors que, d’un pied léger et le cœur joyeux, il foulait pour la première fois le sol de cette Californie, — triste objet de ses fiévreuses insomnies, de ses rêves les plus extravagants et les plus dorés, depuis tant de nuits !

Un lit de camp étroit, composé de trois planches épaisses, présentant une surface légèrement inclinée