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JACQUOT « LE BÛCHEUX. »


Il était une fois, — permettez-moi ce mot
Assez d’usage, j’imagine, —
Un bûcheron nommé Jacquot.
Ce bûcheron avait sa femme Jacqueline.
Ainsi que le mari, la femme avait son lot.
C’était, comme chacun aisément le dévine,
Des enfants gros et gras, dont l’un au biberon :
Deux pour porter culotte et deux pour la jaquette.
L’héritier présomptif de notre bûcheron
S’appelait Jacquinet, la fille Jacquinette.
Si l’on m’accorde que j’omette
Les noms des autres héritiers
Nous passerons de suite à notre historiette.

Jacqueline à jaser s’amusait volontiers.
Ce défaut, — si pourtant c’est défaut qu’on le nomme —
Chez la femme est, je crois, plus commun que chez l’homme.
Un jour donc que Jacquot bûchait avec vigueur,
Jacqueline disait : pauvre époux ! quel malheur
Que la première femme, ait cueilli cette pomme !
Elle avait bien besoin d’y toucher la sans-cœur !…

— Eh bon Dieu ! Jacqueline, à quoi bon blâmer Ève ?

— Tu prends ça doucement, mais moi, ça me soulève.
Penses-y donc un peu, Jacquot, quand je te dis
Qu’ils étaient tous les deux si bien en paradis.
Ma bonne vérité, si j’eusse eu cette chance
De n’avoir, pour ma part, d’autre mal à souffrir
Que de manger et boire, et puis de bien dormir,
Je n’aurais pas touché l’arbre de la science.
Non, Seigneur !… Je le dis et le dirai toujours…

— Tout ce que femme dit n’est pas pur évangile.

— Pauvre Jacquot ! tu prends les choses à rebours ;
Tiendrais-tu, par hasard, de ton vieux père Gile ?
Me faisait-il souffrir, ce vieux déplaisant-là !…
Il me semble le voir, avec sa tuque ronde,
Prenant malin plaisir à critiquer le monde ;
Si l’un disait ceci, vite, il disait cela.