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PIERRICHE.

Le lendemain qui était le neuvième anniversaire de son mariage, Madelon prit le petit Baptiste d’une main, la faux de son mari de l’autre et partit pour le champ, précédée de Pierrot et de Josette.

Pierriche la regarda partir d’un air narquois, et tout en l’accompagnant jusqu’au perron il ne put s’empêcher de lui dire sous forme d’adieu, — tant il est vrai qu’on a beau vouloir chasser le naturel, il revient toujours au galop : —

— Oui, tu vas en faire de l’ouvrage ! ah ! les femmes ! les femmes ! Un homme fait dix fois plus de besogne qu’aucune d’elles en une journée.

Sitôt qu’au détour du chemin Pierriche eut vu disparaître sa petite famille, — car si bourru, si grognon qu’il fût, Pierriche, ce bon Pierriche, se serait fait couper en quatre pour sa femme et ses enfants ; — il rentra dans sa chaumière et demeura quelques moments indécis, en peine de ses bras vigoureux, ne sachant pas comment commencer cette besogne toute nouvelle pour son tempérament et ses habitudes.

Enfin, comme il fallait commencer par quelque chose, le bon Pierriche retroussa bravement ses manches de chemise, et se mit à ranger, le mieux qu’il pût, c’est-à-dire le plus gauchement possible, tout ce qu’il y avait à ranger ou à déranger dans son intérieur. Puis vint le tour du balai qu’il réussit à casser, car il le manœuvrait à tour de bras comme un fléau.

Sur ces entrefaites, l’enfant, le Benjamin de la famille, qui sommeillait dans son berceau, fit mine de se réveiller, et Pierriche — dans sa précipitation — jeta par la fenêtre, d’une manière si raide, le tronçon du balai qui lui était resté dans les mains, qu’il cassa la patte de son jars, ce qui ne l’empêcha pas de bercer le petit.

Tout en berçant, il lui vint à l’idée de faire du pain.

Pierriche monta dans son grenier, en descendit une