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PIERRICHE.

à l’église la plus voisine, n’oubliant pas de se confesser au moins quatre fois l’an, de donner à son tour, sans se faire tirer l’oreille, le pain bénit et de payer scrupuleusement et exactement sa dîme ; en un mot, il paraissait si bien s’acquitter de tous ses devoirs, que Pierriche, tout pauvre qu’il fût, était réputé le plus heureux mortel du canton et de bien loin.

Mais hélas ! trois fois hélas ! toute cette félicité n’était qu’extérieure, et le proverbe qui dit : « Il ne faut pas trop juger sur les apparences, » a mille fois raison ; Pierriche, le bon Pierriche, l’excellent Pierriche, le modèle du canton et de bien loin, avait un défaut, un gros défaut, un des plus affreux défauts qui puissent obscurcir le ciel conjugal : Pierriche était grognon, et son humeur grognonne le rendait naturellement querelleur et tracassier.

Dans les mauvais jours d’automne, — alors que les chemins sont boueux, défoncés, pleins d’ornières et de cahots, — Pierriche avait-il le malheur de rentrer chez lui, mouillé jusqu’aux os et éreinté, car dans les endroits les plus mauvais ça ne coûtait pas le moins du monde à ce brave Pierriche de s’atteler à sa lourde charrette et de donner un aussi vigoureux coup de collier qu’aucun de ses bœufs ; — eh bien ! notre héros avait à peine mené ses animaux à l’étable et débarrassé ses épaules humides de son lourd capot d’étoffe du pays qu’il répondait en grognant, en grommelant à Madelon qui lui faisait d’affectueux reproches sur le peu de soin qu’il prenait de sa santé :

— Oui ! oui ! tu l’as dit ; j’aurais dû laisser ma charge et mes bœufs dans les cahots, hein ! Madelon ?… Apparemment tu aurais été les en retirer, toi ?…… tiens, tiens, ne dis plus rien, ça te va mieux, bien mieux ?…... Ouaiche ! les femmes !…... Si c’est bon à quelque chose, ça n’est pas bon à grand’chose ! Un