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LA CHASSE GALERIE

ron, et demain matin, à six heures nous serons de retour au chantier.

Je comprenais.

Mon homme me proposait de courir la chasse-galerie, et de risquer mon salut éternel pour le plaisir d’aller embrasser ma blonde au village. C’était raide. Il était bien vrai que j’étais un peu ivrogne et débauché, et que la religion ne me fatiguait pas à cette époque, mais vendre mon âme au diable, ça me surpassait.

— Cré poule mouillée ! continua Baptiste, tu sais bien qu’il n’y a pas de danger. Il s’agit d’aller à Lavaltrie et de revenir dans six heures. Tu sais bien qu’avec la chasse-galerie, on fait au moins cinquante lieues à l’heure quand on sait manier l’aviron comme nous. Il s’agit simplement de ne pas prononcer le nom du bon Dieu pendant le trajet, et de ne pas s’accrocher aux croix des clochers en voyageant. C’est facile à faire, et pour éviter tout danger, il faut penser à ce qu’on dit, avoir l’œil où l’on va, et ne pas prendre de boisson en route. J’ai fait le voyage cinq fois, et tu vois bien qu’il ne m’est jamais arrivé mal-