Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une manière respectueuse, et, en me faisant mille excuses de le liberté qu’il alloit prendre, il me dit qu’il avoit dans sa poche une lettre écrite par un tambour de son régiment à la femme d’un caporal, laquelle, osoit-il dire, pourroit convenir dans cette occasion.

Je ne demandois pas mieux que de le contenter. Voyons-la, lui dis-je.

Il tira de sa poche un petit porte-feuille sale, rempli de lettres et de billets doux. Il dénoua la corde qui le lioit, en tira les lettres, les mit sur la table, les feuilleta les unes après les autres, et après les avoir repassées à deux reprises différentes, il s’écria : Enfin, Monsieur, la voici. Il la déploya, la mit devant moi, et se retira à trois pas de la table, pendant que je la lisois.


LA LETTRE.


Madame,

Je suis pénétré de la douleur la plus vive, et réduit en même-temps au désespoir, par ce retour imprévu du caporal qui rend notre entrevue de ce soir la chose du monde la plus impossible.