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n’auroit pas pu se fâcher contre La Fleur. C’étoit son zèle pour moi qui l’avoit fait agir. S’y étoit-il mal pris ? me jetoit-il dans un embarras ?… Son cœur n’avoit pas fait de faute… Je ne crois pas que je fusse obligé d’écrire… La Fleur avoit cependant l’air d’être si satisfait de lui-même, que…

Cela est fort bien, lui dis-je, cela suffit… Il sortit de la chambre avec la vitesse d’un éclair, et m’apporta presque aussitôt une plume, de l’encre et du papier… Il approcha la table d’un air si gai, si content, que je ne pus me défendre de prendre la plume.

Mais qu’écrire ? Je commençai et recommençai. Je gâtai inutilement cinq ou six feuilles de papier…

Bref, je n’étois pas d’humeur à écrire.

La Fleur, qui s’imaginoit que l’encre étoit trop épaisse, m’apporta de l’eau pour la délayer. Il mit ensuite devant moi de la poudre et de la cire d’Espagne. Tout cela ne faisoit rien. J’écrivois, j’effaçois, je déchirois, je brûlois, et je me remettois à écrire avec aussi peu de succès. Peste de l’étourdi ! disois-je à voix basse… Je ne peux pas écrire cette lettre… Je jetai de désespoir la plume à terre.

La Fleur, qui vit mon embarras, s’avança