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n’irai point à Bruxelles… Mon imagination vint au secours de mon Eliza. Je me rappelai ses regards au dernier moment de notre séparation ; lorsque ni l’un ni l’antre n’eûmes la force de prononcer le mot, adieu ! Je jetai les yeux sur son portrait qu’elle m’avoit attaché au cou avec un ruban noir. Je rougis en le fixant… J’aurois voulu le baiser… une honte secrète m’arrêtoit. Cette tendre fleur, dis-je, en le pressant entre mes mains, doit elle être flétrie jusques dans la racine ! Et flétrie, Yorick, par toi qui a promis que ton sein seroit son abri !

Source éternelle de félicité ! m’écriai-je en tombant à genoux, sois témoin, ainsi que tous les esprits célestes, que je n’irai point à Bruxelles, à moins qu’Eliza ne m’y accompagne : dût ce chemin me conduire au suprême bonheur !

Le cœur, dans des transports de cette nature, dira toujours beaucoup trop en dépit du jugement.