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AMIENS.


J’eus à peine prononcé ces mots, que le comte de L… et sa sœur passèrent rapidement dans leur chaise de poste. Elle n’eut que le temps de me faire un salut de connoissance, mais avec un air qui sembloit désigner qu’elle avoit quelque chose à me dire. Je n’avois effectivement pas encore achevé de souper, que le domestique de son frère m’apporta un billet de sa part. Elle me prioit, le premier matin que je n’aurois rien à faire à Paris, de remettre la lettre qu’elle m’envoyoit à madame de R… Elle ajoutoit qu’elle auroit bien voulu me raconter son histoire, et qu’elle étoit bien fâchée de n’avoir pu le faire… mais que si jamais je passois par Bruxelles, et que je n’eusse pas oublié le nom de madame de L… elle auroit cette satisfaction.

Ah ! j’irai te voir, charmante femme ! disois-je en moi-même ; rien ne me sera plus facile. Je n’aurai, en revenant d’Italie, qu’à traverser l’Allemagne, la Hollande, et retourner chez moi par la Flandre ; à peine y aura-t-il dix postes de plus ; mais y en eût-il dix mille ? Quelles délices, pour prix de