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ainsi pendant qu’il vivoit : mais à présent qu’il est mort, je crains que la fatigue de me porter ne l’ait accablé, et que je ne sois responsable d’avoir abrégé sa vie…

Quelle honte pour l’humanité ! me dis-je en moi-même ! si nous ne nous aimions les uns les autres qu’autant que ce pauvre homme aimoit son âne… ce seroit quelque chose.


NAMPONT.
Le Postillon.


Cette histoire m’affecta. Le postillon n’y prit pas garde, et il m’entraîna sur le pavé au grand galop.

Le voyageur qui brûle de soif dans les déserts sablonneux de l’Arabie, n’aspire pas plus vivement au bonheur de trouver une source, que mon ame aspiroit après des mouvemens tranquilles. J’aurois souhaité que le postillon eût parti moins vite ; mais au moment que le bon pèlerin achevoit son histoire, il donna de si grands coups de fouet à ses chevaux, qu’ils partirent comme si mille diables étoient à leurs trousses.

Pour l’amour de Dieu, lui criais-je, allez plus doucement : mais plus je criais, plus il