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ils vous entourent… Et que personne ne les rebute… Ce que souffrent ces malheureux est déjà trop cruel, pour y ajouter de la dureté ; il vaut mieux avoir quelque monnoie à leur distribuer, et c’est un conseil que je donne à tous les voyageurs… Ils n’auront pas besoin d’écrire les motifs de leur générosité : ils seront enregistrés ailleurs.

Personne ne donne moins que moi, parce qu’il y a peu de mes connoissances qui aient moins à donner : mais c’étoit le premier acte de cette nature que je faisois en France ; je le fis avec plus d’attention.

Hélas ! disois-je, en les montrant au bout de mes doigts, je n’ai que huit sous, et il y a huit pauvres femmes et autant d’hommes pour les recevoir.

Un de ces hommes sans chemise, et dont l’habit tomboit en lambeaux, se trouvoit au milieu des femmes. Il s’en retira aussitôt en faisant la révérence. Lorsque le parterre crie tout d’une voix : place aux dames ! il ne montre pas plus de déférence pour le beau sexe que ce pauvre homme.

Juste ciel ! m’écriai-je en moi-même, par quelles sages raisons as-tu ordonné que la mendicité et la politesse seroient réunies dans ce pays, quand elles sont si opposées dans les autres régions ?