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ma mort. Je suis très-persuadé que si j’étois destiné à faire une action basse, je ne la ferois que dans l’intervalle d’une passion à l’autre. J’ai éprouvé quelquefois de ces interrègnes, et je me suis toujours aperçu que mon cœur étoit fermé pendant ce temps ; il étoit si endurci, qu’il falloit que je fisse un effort sur moi pour soulager un misérable, en lui donnant seulement six sous. Je me hâtois alors de sortir de cet état d’indifférence. Le moment où je me retrouvais ranimé par la tendre passion, étoit le moment où je redevenois généreux et compatissant. J’aurois tout fait pour rendre service, pourvu qu’il n’y eût pas de crime…

Mais que fais-je en disant tout ceci ? ce n’est pas mon éloge ; c’est celui de la passion.


FRAGMENT.


De toutes les villes de la Thrace, celle d’Abdère étoit la plus adonnée à la débauche ; elle étoit plongée dans un débordement de mœurs effroyable. C’étoit en vain que Démocrite, qui y faisoit son séjour, employoit tous les efforts de l’ironie et de la risée pour l’en tirer ; il n’y pouvoit réussir. Le poison, les conspirations, le meurtre, le viol, les