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N’être jamais compris, et, ce qui en résulte naturellement, voir tous ses discours défigurés par l’ignorance, est cent fois pire que d’être calomnié malicieusement. — Le plus souvent, et presque toujours, la calomnie est un hommage que le vice paye à la vertu, et la folie à la sagesse. — L’homme sage voit d’un œil de pitié les efforts du calomniateur : ils tournent à son avantage ; — semblable au philosophe qu’on dit avoir élevé un monument à sa propre gloire, avec les pierres que lui lançoit la malignité de ses compétiteurs.

La vertu sans la bonne réputation est une chose trop ordinaire pour qu’on doive en être surpris — quoi qu’on ne puisse s’empêcher d’en déplorer l’injustice : mais comme elle tient en quelque sorte à l’ordre général de la Providence, l’espérance et la résignation peuvent nous la faire supporter. Quant à ce qui n’intéresse que médiocrement la réputation, on peut pardonner à celui qui se moque des tournures qu’on donne le plus souvent aux intentions les plus honnêtes.

Je puis vous assurer bien positivement que je n’eus jamais moins d’amour-propre, ni moins d’envie de déployer mes talens, — quels qu’ils soient — que dans la circonstance qui a produit tant de fâcheries. Loin de mon-