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Je ne savais ce qui causoit un dérangement si fréquent. J’arrive à Montreuil, et l’hôte me demande si je n’ai pas besoin d’un domestique… À ce mot, je devine que c’est le défaut d’un domestique qui est cause que mon porte manteau se dérange si souvent.

Un domestique ! dis-je : oui, j’en ai bien besoin ; il m’en faut un. Monsieur, dit l’hôte, c’est qu’il y a ici près un jeune homme qui seroit charmé d’avoir l’honneur de servir un Anglois. Et pourquoi plutôt un Anglois qu’un autre ? Ils sont si généreux ! répond l’hôte. Bon ! dis-je en moi-même, je gage que ceci me coûtera vingt sols de plus ce soir… C’est qu’ils ont de quoi faire les généreux, ajouta-t-il. Courage ! me disais-je, autres vingt sols à noter. Pas plus tard qu’hier au soir, continua-t-il, un milord Anglois offrit un écu à la fille..... Tant pis pour mademoiselle Jeanneton, dis-je.

Mademoiselle Jeanneton étoit fille de l’hôte ; et l’hôte s’imaginant que je n’entendois pas bien le françois, se hasarda à m’en donner une leçon. Ce n’est pas pas tant pis que vous auriez dû dire, Monsieur, c’est tant mieux. C’est toujours tant mieux, quand il y a quelque chose à gagner ; tant pis, quand il n’y a