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Lettres

à déranger M. Gray par une de vos visites enthousiastes.

Mais dites-moi, je vous prie, pendant tout ce temps, que faites-vous de S… ? il n’est pas homme à examiner curieusement les pesans murs des collèges ou les portraits moisis de leurs fondateurs, ni à s’égarer, comme moi, sous les saules qui couvrent les bords verdoyans de Cam, pour y évoquer les Muses : il appeleroit plutôt un sommeiller. Poltron comme vous êtes, comment pouvez-vous faire deux lieues ensemble dans la même chaise ? c’est sans doute par cette admirable souplesse d’esprit que vous possédez quand il vous plaît, quoique cela ne vous plaise pas toujours. En effet, je ne sais pas pourquoi l’on prendroit ses habits de cour pour aller voir des marionnettes ; mais d’un autre côté ; l’on ne doit pas se parer exclusivement pour ceux qu’on aime, quoiqu’il y ait quelque chose de noble dans cette façon d’agir. Le monde, mon cher ami, demande un autre système : car tant que les hommes seront ingrats et faux, cette confiance illimitée, cet héroïsme de l’amitié que je vous ai entendu pousser jusqu’au délire, est d’une conséquence vraiment dangereuse.