Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
Lettres

je viens ici dans des vues bien différentes, et que je crois meilleures, c’est-à-dire, pour me déchiffrer moi-même.

Appuyé sur le portail, dans l’attente de la rêverie, je considère le ruisseau qui s’éloigne en murmurant ; j’oublie le spleen, la goutte et le monde envieux ; ensuite, après avoir fait un tour sous ces portiques délabrés, j’évoque toute la communauté, je prends la plus jolie des sœurs, je m’assieds à côté d’elle sur une pierre que des aunes couvrent de leurs rameaux, et là je fais. — Quoi ? — j’interroge son joli petit cœur que je sens palpiter sous ma main, je devine ses désirs ; je joue avec la croix qui pend à son col. — En un mot. — Je lui fais l’amour.

Fi ! Tristram, vous extravaguez. — Point du tout, je vous déclare que je n’extravague point ; car, quoique les philosophes, parmi nombre d’autres absurdités, ayent dit qu’un homme amoureux n’étoit pas dans son bon sens, je soutiens, envers et contre tous, qu’il n’est jamais plus raisonnable, ou pour mieux dire, plus conséquent à sa manière de sentir, que lorsqu’il poursuit quelque Armide, ou quelque Angélique de son invention. Si vous êtes actuellement dans ce cas, je vous pardonne le temps que vous passez loin de moi :