Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/576

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur lequel son œil vigilant plane sans cesse.

Lorsque les fils de Jacob eurent jeté leur frère Joseph dans une fosse, s’il est une série d’événemens qui mérite le nom de hasard, c’étoit sans doute celle-là. Il falloit qu’une compagnie d’Ismaëlites passât auprès de cette fosse, au moment précis que cette barbarie fut commise. À peine fut-il sauvé par un événement aussi favorable, que sa vie et sa fortune dépendirent encore d’une suite d’événemens aussi inattendus. Par exemple, si ces Ismaëlites qui le vendirent avoient eu leurs affaires dans toute autre partie du monde que l’Égypte, et que de Gilead ils l’eussent conduit avec eux ; si à leur arrivée, ils eussent vendu leur esclave à toute autre personne qu’à Putiphar ; si l’accusation injuste de la femme de son maître l’eût plongé dans tout autre cachot que celui où l’on gardoit les prisonniers d’état ; si l’échanson de Pharaon ne s’y fût pas trouvé ; si, enfin, un de ces événemens eut manqué, une foule de malheurs qu’il n’avoit pas mérités, l’auroit accablé, ainsi que l’Égypte et le pays de Canaan : depuis le commencement jusques à la fin de cette histoire intéressante, la providence de Dieu donna une impulsion à tous les accidens qui la distinguent. Les