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Ce qui nous frappe d’abord en lui est son ambition aussi immodérée que la jalousie du pouvoir. Quelqu’inconséquent qu’il soit, son caractère est invariable, et chaque action de sa vie s’en rapproche. Nous en conclurons donc que cette source met en jeu la plus grande partie, peut-être même toutes ses autres passions. Cela sera aisé à démontrer.

J’ai dit qu’il étoit irréligieux, et qu’il n’avoit de sentimens de religion qu’autant qu’il en falloit pour ses desseins. Ne nous raconte-t-on pas qu’il bâtit des temples dans la Judée, et qu’il éleva des statues aux dieux du paganisme ? Ce n’est pas qu’il fût persuadé de bien faire, car il étoit né Juif, et il avoit été élevé par conséquence dans la haîne de l’idolâtrie ; mais il sacrifioit ainsi à son idole chérie, à son ambition. Cette grossière complaisance le mettoit en grâce auprès d’Auguste, et auprès des grands hommes de Rome desquels il tenoit son pouvoir ; il étoit avide, pouvoit-il ne pas l’être avec la faim dévorante que l’ambition jamais rassasiée lui causoit ? Il étoit jaloux et soupçonneux. Montrez-moi un homme ambitieux qui ne le soit pas ; sa main, comme celle d’Ismaël, s’oppose aux efforts de tous, il en conclut que la main de tous s’oppose à ses efforts.