Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

long des vallées de Bethléem, ne t’émurent pas en faveur de tant de malheureux enfans, objets de ta tyrannie ? n’y avoit-il pas d’autre voie pour ton ambition que celle que tu te frayois sur le sein foulé de la nature ? la pitié qu’excite l’enfance, la sympathie qui fait partager la tendresse paternelle ne te suggéroient pas d’autres mesures pour assurer ton trône et ton repos ? Tu cheminois sans entrailles, arrachant tes victimes des embrassemens de leur mère, et les jetant sans vie à leurs pieds, tu les laissois à jamais inconsolables, d’une perte accompagnée de tant de circonstances horribles, et si cruelle par elle-même, que le temps, l’amitié même ne pouvoient en détruire l’impression.

Rien ne donne autant d’idées diverses de l’esprit humain que cette histoire. Lorsque nous considérons l’homme tel qu’il a été formé par le créateur, innocent et juste, plein de tendresse, aimant et protégeant ses semblables, cette idée ébranle l’autorité de ce récit ; pour la lui rendre nous sommes forcés d’envisager l’homme sous un aspect bien différent, et de le représenter à notre imagination non point tel qu’il a été créé, mais tel qu’il est, capable par la violence et l’irrégularité de ses passions, d’effacer de