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contrée heureuse où le miel et le lait couloient, eurent effacé les impressions du joug qui les avoit meurtris, et que les bénédictions du ciel commencèrent à tomber sur eux, il put en conclure qu’ils ne tenoit ces avantages d’aucun autre pouvoir que de leurs propres bras, que la toute-puissance seule des Israélites leur avoit procuré, et leur conservoit tant de bonheur.

Ô Moïse ! Moïse ! combien un pareil raisonnement eût mis à la torture ton esprit doux et patient ! si la superstition des Israélites te fit tomber une fois dans un excès de colère, si tes mains jetèrent les tables de la loi que Dieu avoit écrites, si tu compromis aussi légèrement le trésor du monde, avec quelle indignation et quel pieux chagrin eusses tu entendu les sarcasmes de ceux qui renioient le Dieu qui les avoit délivrés ; en disant, quel est ce Dieu dont la voix commande ici à notre obéissance ? avec quelle force et quelle vivacité leur eusses-tu rappelé l’histoire de leur nation ! que si une jouissance trop aisée des bénédictions du ciel leur avoit fait oublier de regarder derrière et loin d’eux, il étoit nécessaire de leur répéter que leurs ayeuls étoient en Égypte les esclaves de Pharaon, sans aucun espoir